"L'escalier, toujours l'escalier qui bibliothèque et la foule au bas plus abîme que le soleil ne cloche."

Robert Desnos,
Langage Cuit, 1923.

vendredi 17 août 2012

Sursaut éditorial

Il ne manquait plus que lui, et on a failli l'attendre. Mais voici que, sous le prestigieux onglet « Signatures », le Nouvel-Obs-qui-vous-en-donne-Plus vient de publier la mouture joffrinesque de l'argumentaire ministériel concernant la question du « démantèlement des campements illicites », soit encore  du « démantèlement de campements de Roms ».

Ses admiratrices et admirateurs seront heureuses et heureux de retrouver le grand style de leur plumitif préféré. La finesse, la sensibilité, l'intelligence sont tout uniment absentes de cet éditorial qui, loin d'être un « rebond » façon Libé, semble être un sursaut, encore un, visant à démontrer que, malgré une concurrence féroce, monsieur Laurent Joffrin est bien resté « le journaliste le plus bête de France ».

On en jugera en considérant cet argument très affuté dont notre auteur doit être très fier :

1) Cela relève de la non-assistance à personne en danger

Le maintien indéfini de campements ou de squats insalubres menace la santé et la sécurité même de ceux qui y vivent, notamment les enfants et les personnes âgées. Il arrive un moment où les autorités doivent prendre leurs responsabilités, sauf à être accusées de non-assistance à personne en danger.

Voilà qui est pensé.

(Après cette entame sidérante, la suite déçoit un peu, mais il faut reconnaître qu'il était difficile de faire plus fort...)

On peut penser que cette fillette est en danger.
Ce sourire qu'elle semble avoir perdu, soyons sûr(e)s qu'elle le retrouvera
quand les amis de monsieur Joffrin viendront lui porter assistance
et l'expulseront du terrain de Sucy-en-Brie où elle a été photographiée...
(Photo : AFP / Jeff Pachoud.)

Notre grand penseur a donné pour titre à son papier

Roms : la gauche ne peut continuer à se draper dans l'indignation

Et l'on admire la trouvaille stylistique de cette formulation décalée, légèrement incongrue, laissant entendre que l'indignation, dans quoi l'on se draperait, ne serait qu'un habillage...

 Monsieur Joffrin n'ignore pas que, dans le langage le plus courant, ce n'est pas « dans l'indignation » que l'on se drape, mais plutôt dans sa dignité. Son détournement de l'expression, pour faire un « mot » d'éditorialiste distingué, montre peut-être le peu de cas qu'il fait de cette notion. 

Certains, qu'il le veuille ou non, qu'il s'en gausse ou pas, trouvent leur dignité à « dénoncer toujours et en tout lieu » les opérations politico-médiatiques menées  « en violation des principes de l'humanité et des droits élémentaires ».

C'est ainsi.

Cette dignité-là, elle nous habille bien.

Mieux, en tout cas, que la  livrée des larbins du pouvoir en place.

5 commentaires:

  1. "Et l'on admire la trouvaille stylistique de cette formulation décalée, légèrement incongrue, laissant entendre que l'indignation, dans quoi l'on se draperait, ne serait qu'un habillage..."

    Cette formule de Joffrin est justement très révélatrice : si on lit en détail son papier, on se rend compte qu'il justifie la politique précédente de Sarkozy. La seule "faute" de celui-ci serait d'avoir encouragé des "idées reçues" (bel euphémisme pour "racisme"...).
    Ce que nous avoue ici Joffrin, c'est lorsqu'il y a deux ans la "gauche de gouvernement" a (mollement) protesté contre les actions de Sarko-Hortefeux contre les Roms, et ben c'était du flan. Ils se sont en effet "drapés dans l'indignation", car les motivations morales ne sont pour ces gens là qu'un déguisement, un outil politicien.

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  2. Je vous trouve bien injuste à dire que la suite déçoit, alors qu'un peu plus loin M. Joffrin nous offre le témoignage d'une cohérence éclatante.

    "En se gardant de tout amalgame et de toute "stigmatisation"" "Donner la priorité aux Roms, c'est choisir les immigrés qui violent la loi contre ceux qui la respectent."



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  3. Retour de ouiquende caniculaire, je vous remercie de ces commentaires.

    Certains soulignent la dangereuse cohérence joffrinesque...

    Qu'on me pardonne si je n'ai eu ni le goût, ni le temps de la dénoncer comme il le faudrait.

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